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donne bon an mal an de la place Victor-Hugo à la Seine. Toutes les cérémonies de Passy-Auteuil voient revenir à l’église ou aux lunchs la même troupe d’invités qui confèrent aux manifestations mondaines du seizième arrondissement un petit air d’opérette et de Congrès s’amuse non dépourvu de charme, et parfois d’imprévu. Convié un jour à une bénédiction nuptiale de haute volée à l’église Saint-Honoré d’Eylau, un ami à moi, poète à ses heures, se rendit à l’heure dite place Victor-Hugo pour présenter ses vœux aux jeunes époux. Une assistance nombreuse, dont il connaissait tous les visages, se pressait dans la nef. Il s’approcha, serra des mains, distribua des sourires, et s’aperçut qu’il ne connaissait pas plus le marié que la mariée, s’étant tout simplement trompé de jour. Il ne voyait à l’église que les mêmes personnalités parisiennes, quasi engagées par contrat à assister à toutes les cérémonies de la petite patrie Passy-Auteuil. Comme il se trouvait sur place, il ne songea pas un instant à rebrousser chemin et se joignit aux cousins, oncles et grand’mères pour embrasser très affectueusement les époux, ainsi qu’un certain nombre de dames qui lui parurent alliciantes.

La chronique scandaleuse ou dramatique de Passy-Auteuil est assez pauvre. Le crime ne s’y manifeste qu’avec d’infinies précautions. La police ne s’y promène guère. Tout se passe dans une atmosphère éthérée où les ragots n’ont pas de prise. Un fait-divers pourtant me revient à l’esprit, qui eût pu inspirer à Edgar Poe, mais à