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pas fournisseurs de poésie pour films, ballets, vices, costumes, mondanités affreuses. Ce sont des clochers de Souvenirs, des dans de messageries, des spectres de trains rapides, des farfadets de bureaux de poste. Ils nous aident à vivre comme des pavés, des ardoises, des gouttières. Ils font partie du même pâté, du même caviar que les vivants. Et nous sommes là entre nous, les vivants et les morts, exécutant notre devoir d’exister, sevrés d’élans, vers le vide des convenances et des menaces…

Nos vies de famille, dans ce monde gris, savoureux comme un gras pain au raisin, ce sont des vies de bouquins et de plantes vertes, avec la cuisine tout contre le cœur, l’oreille, ah ! l’oreille maternelle à portée de votre tendresse, le réveillon simple, des destinées d’amis et de vieux frangins, le spectacle avec la concierge, bref tout un confort de lapins et de fagots, avec ces airs de cornemuse jetés dans le ciel par les locomotives de l’Est et du Nord, qui, si elles emmènent parfois un mètre ou deux de détresse vers la Suisse ou vers l’Allemagne, nous ramènent bientôt aux odeurs puissantes et familières de la rue d’Alsace ou de la rue Louis-Blanc. Cher vieux quartier, aux féeries justes et douces comme des voies aimées…