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til et triste grand bouquin, mais « ce n’est pas la même chose… ».

Je suis encore en relations, dans ce quartier où reposent mes souvenirs, avec des personnes qui l’ont connu peu après l’époque des premiers chemins de fer, et les sifflements ininterrompus des gares les poussent à me citer des chiffres qui ont autant d’attraits pour mon imagination que la guerre des fourmis qu’on signale actuellement dans le Sud des États-Unis. Elles me parlent du temps où il y avait 812 kilomètres de voies ferrées en France, le tout ayant coûté deux cent quatre-vingts millions de francs. On allait de Paris à Rouen par les bateaux à vapeur, les Étoiles et les Dorades. Le double aigle de dix dollars or valait 55 fr. 21. Les maîtres de poste vous louaient leurs chevaux à raison de vingt centimes le kilomètre… N’est-ce pas aussi beau que les contes d’Andersen ? Qui me racontait tout cela ? Ma mère, née en 1838, et qui avait de vieilles amies. Et lorsque nous nous réunissions, faubourg Saint-Martin, ou rue Château-Landon, pour bavarder, soit avec des patriarches de la Chapelle, soit avec de nobles dames de la rue Lafayette, Champs-Élysées de l’arrondissement, c’était pour parler de Paris comme de la capitale de la civilisation.

Nous étions alors isolés du monde, au Nord, par la barrière de Saint-Martin, à l’extrémité du faubourg. C’était une jolie rotonde composée de quatre péristyles en saillie, ornée de huit pilastres d’ordre toscan, le tout couronné par une