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n’ai pas voulu me défaire de mes trophées. Suivez-moi.

Le comte de F… m’emmena dans une chambrette obscure qui contenait la plus abracadabrante collection de chapeaux hauts de forme, de fracs, de gilets, de bottines et de jaquettes que j’aie jamais aperçue de ma vie.

— Je n’ai rien jeté, murmurait-il, rien cédé aux marchands. J’ai conservé dans cet obscur musée tous les vestiges de ma jeunesse cavalière et tourmentée. Voici l’habit que j’endossai lors de la visite des souverains russes à Paris ; voici mes gilets dits des Ballets russes. Ah ! ce Diaghilew ! cette Rubinstein ! Quand je pense que c’est à nous, pauvres hommes du monde sans le sou, que les Parisiens des couches moins pures, les esthètes sans linge et les politiciens en prurit de snobisme doivent ces années de féerie et de haute mondanité ! Oui, monsieur, c’est à nous.

Nous reprîmes en camarades le chemin du petit salon. Soudain, je vis le comte nerveux, agité, impatient. Avant même de me donner le temps de m’excuser, il s’avança :

— Écoutez, me dit-il, nous sommes aujourd’hui mardi ; il est sept heures et demie, je suis attendu à dîner chez le baron Herbert de T…, un Anglais aussi caractéristique et grimaçant que dut être le célèbre Blowitz, jadis correspondant du Times à Paris. Mais c’est un charmant