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FANTÔMES

Me voici au terme de mon voyage sentimental et pittoresque dans un Paris qui n’est plus, dans un Paris dont les prolongements ne nous parviennent déjà plus que sous forme de souvenirs chaque jour plus pâles, ou de nouvelles déchirantes : la mort d’un ami très cher, la fin d’une famille naguère encore brillante, la démolition de quelque maison qui fut jadis choisie pour y tenir assemblée de bon ton.

On ne saurait nier que la rue de la Paix, le Café de Paris, l’hippodrome de Longchamp, les hôtels de la rue de Varenne, les ambassades, les cercles de la rue du Faubourg-Saint-Honoré aient été, pendant plus de trente ans, les courbes d’un point de mire comme il n’en existera plus. Il me souvient d’avoir écrit, il y a quelque deux ans, un article en l’honneur de Paris, où je disais en substance que les avions ennemis, en cas de guerre, seraient à coup sûr frappés par le murmure d’histoire, d’élégance et d’amour qui se dégage de Paris, et qu’une présence providentielle, qu’une sorte de charme irrésistible leur commanderait de rebrousser chemin afin de laisser intacte sur le relief du monde une plante d’enchantements et de délices qui ne reprendrait pas de si tôt racine.