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blissement complètement ivre à la tête de l’orchestre de l’Abbaye au grand complet, le veilleur de nuit sourit gracieusement à cette tribu et laissa passer saxophones et violons sans leur opposer la moindre résistance. Le client invita les musiciens à le suivre dans sa chambre, s’étendit sur son lit, et se fit donner une aubade américano-slave pour lui seul. Il alla même jusqu’à réclamer ce qu’on appelle des claquettes, en style dancing, car il ne pouvait plus s’arracher à l’enchantement montmartrois. Vers 11 heures du matin, sous le regard respectueux d’un des personnels les plus aimables de Paris, l’orchestre quitta doucement l’original qui s’était endormi. Il lui arrivait de boire trois semaines d’affilée, et de réclamer du whisky a l’hôpital où il fallut bien le recommander un jour.

Avion ou paquebot ?

Si l’original fait la joie des chefs de réception, gouvernantes, nurses, sommeliers et grooms, il les affole aussi parfois, mais uniquement parce qu’il oublie de « prévenir », comme cet explorateur qui pria le bureau de l’hôtel de bien vouloir lui garder deux lions en cage. On dut les mettre en pension au zoo. Comme ses confrères dans l’art de loger et de recevoir, le Georges-V accueille volontiers les mariages, championnats ou manifestations élégantes de la société parisienne. C’est dans ses salons, qui se prêtent aux exigences les plus inattendues, qu’eut lieu l’inoubliable