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sincère et précis, le secret des êtres. On ne dit la vérité, paraît-il, qu’au médecin et à l’avocat. La Sagesse des Nations aurait pu ajouter : et à l’hôtelier.

Tout comme les premiers directeurs du Grand Hôtel, M. Ritz, lorsqu’il lança son établissement, révolutionna l’industrie hôtelière européenne. C’était en effet la première fois, depuis qu’il y a des hommes et qui ne couchent pas chez eux, que chaque appartement fût pourvu d’une salle de bains. Au premier abord, le Ritz est un palais tranquille dont le cérémonial n’est troublé que par des erreurs de couverts ou des chutes de fourchettes. De grandes dames, dont la fortune assurerait l’aisance de plusieurs générations, y boivent un thé précieux avec une distinction de fantômes. No man’s land presque bouddhique où les maîtres d’hôtel glissent, pareils aux prêtres perfectionnés d’une religion tout à fait supérieure.

Personnalité de premier plan

La clientèle y est inévitablement composée de personnalités de premier plan. Tout récemment, comme je parlais de Proust avec Olivier, le maître des maîtres d’hôtel, un des pivots du mécanisme parisien, on me désigna rapidement, au passage, le comte et la comtesse Haugwitz-Reventlow, c’est-à-dire toute l’Allemagne wilhelminienne et toute l’aristocratie de l’aventure mondaine, car la comtesse Haugwitz-Reventlow n’est autre que Barbara Hutton, l’ex-épouse de