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disposées avec grâce, nous dissimulaient les meubles de la pièce, pourtant assez vaste. Et bientôt apparut, dans ce jardin, la dernière Parisienne. C’était assurément une femme d’une grande beauté et d’un charme incontestable. Les bijoux qu’elle portait, les boîtes de chocolat qui traînaient sur les guéridons, les poupées de boîtes de nuit installées comme des enfants sur un « canapé », un poste de T. S. F. aux ornements recherchés, des rubans, des toilettes jetées sur le lit dans un désordre « artistique », des flacons précieux et des éditions de luxe aux interminables dédicaces, disaient suffisamment que les livreurs se succédaient chez la dame et qu’une fraction de Paris était à ses pieds. Sa conversation nous enchanta. Comme ces mondaines célèbres qui ébranlèrent des trônes et dont j’avais entendu parler alors que j’étais en cagne, elle savait tout, connaissait tout le monde, et téléphonait aux hommes politiques pour arranger la situation de quelque femme de chambre. Une seconde, je fus éberlué. Avions-nous affaire à une véritable descendante de la Païva et des Parisiennes de la légende ? Quelque princesse d’amour de Porto-Riche ? Quelque fille spirituelle du malicieux et tendre théâtre de Maurice Donnay ?

On nous servit des cocktails étranges et des sandwichs qui tenaient du bibelot, et qui arrivaient tout droit de la rue de Rivoli. La dernière Parisienne, qui s’appelait, je crois, Sarah, circulait entre les pétales et les porcelaines de