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se transforment en cinémas, les maisons de couture ne cachent pas qu’elles ne donnent plus le ton au monde civilisé. Ainsi l’atmosphère elle-même est-elle hostile à une renaissance des belles nuits de Paris et aux exquises tyrannies féminines. Quelques années encore, et la Parisienne disparaîtra de la capitale et de la légende, comme jadis plésiosaures, xiphodons et dinornis, pour céder la place aux femmes de Paris, ce qui n’est pas tout à fait la même chose…

— Je vais vous faire connaître la dernière, me confiait un jour un grand disparu d’hier, dont je tairai le nom pour ne rien retrancher de sa mémoire. Il avait été l’un des jeunes et illustres piliers des thés de Mme de Loynes et de Mme Strauss, et il aimait la compagnie, presque la complicité des femmes. Invité à passer quelques heures chez une étrangère qui s’était fixée à l’hôtel, il m’avait prié de l’accompagner pour faire un brin de causette avec une fille chez laquelle, disait-il, des ministres assouvis et tremblants avaient oublié des documents…

— J’ai retrouvé un projet de discours, destiné à être lu à la Chambre, dans le cabinet de toilette de la dame en question, me disait-il en souriant, tandis qu’on nous annonçait chez la merveille.

Nous entrâmes bientôt dans une sorte de serre où les fleurs les plus chères et les plus rares,