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et que seuls pouvaient distinguer du tout venant les aubergistes de province ou les douaniers des frontières. Un détail de toilette, un accent, une vibration, un rien dans l’à-propos poussaient inévitablement ces traiteurs et ces fonctionnaires à s’écrier :

— Parbleu, c’est une Parisienne !

On n’en fait plus guère non plus, de celles-là. Quand Paul Morand eut le talent de nous présenter le haut personnel féminin d’après-guerre, il n’aperçut point de Parisiennes sur la carte du Tendre du xxe siècle, et ne nous fit connaître que des excitées, des bohémiennes, des excentriques ou des révolutionnaires. J’entrevois ici une des causes de la disparition de ce joli monstre. Les hommes d’aujourd’hui font trop de politique pour perdre du temps avec des femmes, et ils n’ont plus assez d’argent pour s’occuper à la fois de sociétés anonymes et de Société tout court. Ils ont laissé la femme se débrouiller. Et, mon Dieu, depuis qu’elle se débrouille, la Parisienne a choisi son mari ou son amant non plus nécessairement selon la mode, mais parfois selon ses goûts, qui se confondent souvent avec ses intérêts…

Le développement de l’égalité sexuelle par les vagues de sport, la mise à nu des femmes dans les music-halls, la vulgarisation de la poudre de riz, des massages et du bas de soie ont tué le mystère indispensable à la primauté féminine et à l’éclat du Parisianisme. Les grands restaurants s’effacent devant les banques, les théâtres