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flâneries et des cafés, nous le découvrîmes un jour, Alfred Jarry et moi-même. Il finit, non sans réfléchir, par nous emmener dans son atelier. Il ne devait pas tarder d’ailleurs à faire notre portrait chacun à notre tour. Il m’avait représenté, moi, avec la barbe en pointe que je portais alors, devant une fenêtre où défilait un chemin de fer empêtré d’une fumée lourde comme le panache d’un chevalier… Je ne sais ce qu’est devenu ce portrait, qu’il ne m’avait d’ailleurs pas donné. Il avait coutume de dire, à cette époque : « Nous avons quatre grands écrivains : M. Octave Mirbeau, M. Jarry, M. Fargue et M. Prudent-Dervillers. » (Ce dernier était le conseiller municipal du quartier.)

Le premier café où se posa vraiment, pour l’éclairer, cette vieille lampe de Rousseau, fut la Rotonde, qui ne se composait en ce temps-là que d’un zinc et d’une petite arrière-salle aux glaces entièrement voilées d’une taie par la gravure de cent mille déclarations d’amour… Il me faut maintenant évoquer, avant de reprendre le chemin de la rive droite, la figure de Bubu de Montparnasse, le héros de mon pauvre grand Charles-Louis Philippe. Bubu était le marlou d’avant la guerre, relativement sage et presque sentimental. Il allait de temps en temps rendre visite à sa mère, qui était épicière avenue du Maine. Et, quand il y trouvait des voisins et des commères, il les saluait, disait Philippe, avec cette politesse appuyée qui fait que nos parents jamais ne nous renieront…