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n’est pas semblable à ses confrères de Grenelle. Il a un peu d’éducation, de très gentilles dispositions pour l’humour, sait danser à la moderne et, au besoin, la promiscuité artistique aidant, faire un petit croquis à propos de bottes. S’il est dur avec les filles, il n’est pas hostile aux poètes. Il a connu Foujita, il reconnaît Kisling, et les secrétaires d’ambassades lointaines qui viennent dîner à la Coupole avec les peintres « de chez eux ». Je vais souvent prendre un verre de porto chez un ancien modèle qui vit aujourd’hui très bourgeoisement dans un petit appartement coquet de la rue de Vaugirard et qui est pour moi un petit musée de Montparnasse : On y trouve une cravate de Mécislas Golberg, une carte postale de Max Jacob, un menu de chez Baty, un vieux tablier qui appartint à quelque plongeur de la Rotonde, des Utrillo, une coupure de journal rappelant que le petit hôtel de Picasso à Montrouge avait été un jour cambriolé, un bouquin sur Van Gogh, et des quantités de souvenirs cubistes, futuristes, pornographiques ou touchants qui rappellent que Montparnasse, avant d’être le quartier des faux peintres arrivés, a longtemps été un petit paradis…

Je ne saurais terminer cette promenade dans Montparnasse sans rappeler que la première lampe qui s’alluma pour éclairer ce quartier désormais célèbre dans le monde entier fut une vieille lampe à barbe, celle du douanier Rousseau, qui habitait vers 1895 à l’avenue du Maine, tout contre le pont du chemin de fer. Au hasard des