Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

turs l’ensemble des revues et publications qui virent le jour à Montparnasse, afin de constituer une documentation qui deviendrait indispensable à ceux qui, plus tard, voudraient écrire l’histoire touffue, un peu folle, de la Rive Gauche. Barthou n’aimait pas beaucoup Montparnasse, mais il avait un faible pour les documents, manuscrits, autographes et palimpsestes… Je l’entends encore me demander de sa petite voix, rongeant son lorgnon, furetant du nez, cherchant à prendre une connaissance exacte de l’endroit où il se trouvait : « Je me sens un peu égaré dans cette mer de peintres, d’architectes, de fantaisistes. C’est une sorte de gazouillis de pensées fausses, d’idées avortées, d’inventions charmantes, de velléités artistiques. Mais rien n’apparaît, rien ne domine. Y a-t-il un maître ? Un chef d’école ? Un dogme ? »

À ce moment, s’approcha de nous un Don Quichotte chevelu et édenté, un singulier gaillard tout couvert de taches de rousseur, décoré de crayons, encombré de cartons, et qui nous proposa gentiment, d’une voix de gendarme : « Un petit souvenir de Montparnasse ? » Il faisait des silhouettes-express pour cinquante centimes…

À côté de ce Montparnasse de terrasses, de tangos, de cacahuètes et de boissons originales, existe dans l’air, comme une mélodie, le vrai Montparnasse, celui qui n’a ni murs ni portes et qui, plus que tout autre sanctuaire, pourrait revendiquer le célèbre mot de passe, un peu retouché : « Nul n’entre ici s’il n’est artiste. » Montparnasse