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lieu, mais gentille, et d’une bêtise de fraises à la crème. Lui, plus solennel : C’est l’escroquerie à particule, les dents lavées à la poudre de riz. Il s’entraîne au genre flegmatique de seigneur d’Hollywood et porterait, s’il osait, du caviar en guise de pochette. Sur la même banquette sommeille un marchand de cigares mexicain, orné d’un pif aux narines énormes et semblable à une carabine à deux coups. Enfin, voici le directeur d’une feuille de chantage, sorte de grand lâche intoxiqué de fonds secrets, en compagnie d’une fille de cuisine qui a tourné à Joinville, qui est douée de charme slave et qu’on a « refilée » comme vraie.

J’aime encore mieux le vieux monsieur à barbe du vestiaire qui vous tient votre pardessus comme un reliquaire et vous le rend comme s’il allait vous le vendre très cher. C’est un vieil homme de lettres, bâtard possible de Tourguenev, et qui ne déleste pas les Français, lui, comme faisait le grand Dostoïevski, qui ne les connaissait pas. Boîtes pour les nouveaux riches du snobisme, pour la noblesse ruinée, lourde et dépensière de l’Europe Centrale, restaurants faussement langoureux où se retrouve chaque nuit, comme un banc d’esturgeons, ce qu’il y a de plus fignolé dans le genre pimbêche, de plus endetté dans le genre métèque, de plus prétentieux dans le genre cinéma, de plus aigre dans le genre intellectuel. Et pas un là-dedans qui ait jamais fait bondir un beau brin de Duchesse, ni fait rire un « Rombier » !