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la Seine des hymnes dont la plupart furent composées par le chanoine Santeul. C’est peut-être le couplet qui a rendu possible la transition de la période religieuse à la période bachique, Si les tonneliers, marchands, dégustateurs, limonadiers et rats de cave se taisent, ce sont les rues de la Cité du Vin qui sont éloquentes aujourd’hui : Rue de Bordeaux, de Champagne, de Graves, de Languedoc, de Touraine… L’Entrepôt se trouve partagé dans toute sa longueur par la rue de la Côte-d’Or, donnant ainsi la préférence aux vins de Bourgogne, une des spécialités les plus authentiquement, les plus parfaitement françaises, et qui méritent partout le coup de chapeau. Les acheteurs au détail de nos grands crus, les chauffeurs des énormes camions Grutli, les plongeurs ou sommeliers de Paris constituent une sorte de Bourse à part, dont la rumeur et les parfums dépassent de beaucoup l’atmosphère des Bourses abstraites, où l’on ne se grise que de chiffres…

La Halle aux Vins, contrairement à ce que l’on pourrait croire, est un des endroits les plus silencieux de Paris. Tout le quartier a d’ailleurs conservé, depuis que les Sciences Naturelles, le vignoble et le pressoir ont pris la place des couvents, une tranquillité religieuse. Le voyou y est rare, le comptable poli, le badaud respectueux. Pendant que les charretiers font manœuvrer leurs chevaux dans les allées de l’Entrepôt, les épouses et les enfants vont rêver devant les arbres du Jardin des Plantes, étiquetés comme des cou-