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sards de l’imagination chargent le papier net. Et voici que ce papier se couvrirait, comme par opération magique, et comme si, à de certaines heures, nous sentions, sur cette plage qui va d’une tempe à l’autre, le crépitement d’une mitrailleuse à écrire ? L’inspiration, en art, me fait l’effet d’un paroxysme de facilité. Et je lui préférerais encore l’intention, autre microbe, mais plus curieux.

Second point : l’art littéraire ne m’intéresse que dans la mesure où il est plastique. Et, de même que Thibaudet avait distingué chez quelques auteurs un romanesque de la psychologie plus subtil que celui des péripéties, j’aime, moi, une certaine plastique des états de l’âme. Ne me confondez pas, s’il vous plaît, avec les Parnassiens, que, d’ailleurs, j’admire, ayant un faible pour les orfèvres contre les quincailliers. Les Parnassiens étaient hallucinés par le bas-relief. Moi, je me suis laissé appeler par les géographies secrètes, par les matières singulières, aussi par les ombres, les chagrins, les prémonitions, les pas étouffés, les douleurs qui guettent sous les portes, les odeurs attentives et qui attendent, sur une patte, le passage des fantômes ; des souvenirs de vieilles fenêtres, des fumets, des glissades, des reflets et des cendres de mémoire.

Que de fois n’avons-nous pas parlé de la chose avec Charles-Louis Philippe ou avec Michel Yell ! Il faut, disais-je, que l’un de nous se décide à écrire ce que l’on n’écrit pas. Car, en somme, en dehors de certains chefs-d’œuvre, aussi néces-