Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des anciens jardins de l’hôtel des Tournelles, encore une maison célèbre, qui vit mourir Henri II blessé à mort par Montgomery… Marie de Médicis, la Florentine qui avait le sens de l’harmonie et de la grandeur, inaugura la place Royale en 1612. Du jour au lendemain, le Paris élégant s’y précipita, s’y installa, s’y promena, y donna des fêtes.

Rien n’est moins élégant aujourd’hui que ce paysage de briques mariées aux pierres, que cette ordonnance chatoyante, qui ne convient ni aux stylographes, ni aux Bugatti, ni au linge peu encombrant des mondaines de 1939. Il faut un rude effort de pensée au badaud pour concevoir sans effroi que Mme de Sévigné naquit place des Vosges, que, plus tard, Marion Delorme, Richelieu, Dangeau, Victor Hugo, habitèrent cette petite ville dans la ville que soutiennent, comme des pilotis, de fines et douces arcades. Peut-on imaginer aujourd’hui que Louis XIII se soit marié là avec un cérémonial, une splendeur, et dans un déhanchement de couleurs, d’armes, de panaches, dont le détail et la minutie ne nous sont révélés que par un tableau conservé à Carnavalet ? De nos jours, la place des Vosges n’est plus que le refuge des cartomanciennes, des petits armuriers, des usuriers et des avoués. L’appartement, le dentiste, le marchand de charbon y sont à la portée de toutes les bourses. Peu d’endroits pourtant ont conservé autant de charme. Chaque après-midi, pendant les beaux jours, de grands bourgeois frais émoulus de la plaine Monceau inspectent soi-