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que j’ai dit à M. d’Horchiac, je vous le répète en m’engageant sans retour. Vous me voyez désolé, madame, d’avoir été la cause involontaire de votre ennui…

Elle se rassérénait, promenait ses yeux sur mon lit et sur ma table, éloignait sa chaise d’une pile de cahiers que sa crinoline envahissait. Je dis aussi que je déplorais qu’un souci de discrétion eût conduit M. d’Horchiac à quitter cette maison. Ne serait-ce pas plutôt à moi de m’en aller, à moi tout nouveau venu ? Mais elle secoua la tête :

M. d’Horchiac a réfléchi et reste. Comme il avait prétexté que sa chambre était sombre, une autre plus claire a été mise à sa disposition. Elle est au troisième étage qui, vous le savez, est indépendant des deux premiers.

Cet arrangement était convenable, en effet, si les deux amants ne voulaient qu’éviter de me retrouver devant eux. À partir du troisième, les chambres se reliaient uniquement à l’escalier principal, le second escalier isolant les deux premiers étages. On voulait bien me faire confiance, mais on fuyait ma vue.

Mme Quincette ajouta, et elle souriait :

— Je n’aurai plus à passer par votre escalier, monsieur.

Cette réplique osée me vint aux lèvres :

— Je le regretterai, croyez-le bien, madame.

Elle me regarda, tourna sa chaise, et puis :

— Vous faites vos études, monsieur Fargèze ?

Je lui répondis que non et, ne voulant pas avouer mon petit métier de copiste, j’usai d’une périphrase : Je travaillais pour le théâtre. Elle se reprit à sourire. Ne se disait-elle pas que je devais être bien en cour auprès des actrices ? Et puis, prenant ma main dans la sienne, elle me répéta son merci et le frou-frou de popelinette passa ma porte, glissa par le corridor, s’effaça dans l’escalier. Je fus quelque temps à me remettre d’une si émouvante visite. J’aérai ma chambre pour en chasser les parfums capiteux, une autre visiteuse pouvant survenir : Jeanine, bien entendu. Papillon nocturne, Anaïs ne venait pas chez moi. Je la voyais sur place, dans un des garnis à cinquante sous des environs de l’Opéra.

Je fus, les jours qui suivirent, plus qu’étonné de consta-