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Claire Fosson ! Elle se jeta si vivement à mon cou que j’en perdis l’équilibre. On nous observait et je lui fis bonne mesure de ma mauvaise humeur. Pourquoi ne m’avait-elle pas prévenu ? Mais, sans m’écouter, elle m’embrassait et m’embrassait encore. Pouvais-je renvoyer sans plus de frais une femme qui venait de faire soixante lieues pour me voir ? J’arrangeai les choses en lui indiquant un hôtel, rue des Godrans, sous prétexte que je logeais chez des amis de ma famille. J’y viendrais à la sortie du bureau.

J’y fus, en effet, et il me fallut dans la minute même lui consentir un acompte sur ce qu’elle était venue chercher de si loin. Nous dînâmes, et comme elle se sentait lasse, elle se mit au lit, où je dus la suivre. Je tenais à ne pas interrompre mes matinées avec Fifine, et grâce à l’argument familial de mes logeurs, je pus me desserrer d’elle avant minuit. Mais le lendemain me fut dur, qui me jeta dans les bras d’une amoureuse reposée et exigeante. Je me montrai tiède à la tâche. Le charme de nos nuitées d’Orléans était rompu. Si je ne restais pas insensible aux attestations de sa tendresse, qui eussent galvanisé un mort, je ne retrouvais plus en elle le même excitant que naguère. Toutes mouvementées fussent-elles, ses fortes fesses ne me faisaient pas oublier le petit derrière que Fifine animait de si plaisante façon.

Elle devait rester trois jours. À raison de deux entrevues quotidiennes, j’avais de quoi m’occuper. Je m’en tirai mieux que je ne pensais, et j’eus même quelques agréables passes durant les dernières heures, tant elle fut ingénieuse à se faire valoir. Elle n’en jugea pas moins que quelque chose était changé en moi, et des larmes en flots m’arrosèrent. Chère Claire, qui me parlait comme une maman, l’instant d’avant ou celui d’après ! Quand la diligence qui l’emportait s’élança sur la route de Montargis, je ne retins pas un soupir de soulagement. Elle m’envoyait des baisers et le geste de sa main se perdit bientôt dans des nuages de poussière.

J’eus, à quelque temps de là, une aventure qui vaut d’être contée. Un soir, fuyant une pluie torrentielle, j’entrai, sur la route de Paris, dans un débit enfumé qu’éclairaient mal deux lampes à huile. Dans un coin sombre se