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cours de ses travaux, luisaient dans leurs vitrines, joyaux captifs de formes étranges. Une ambiance de silence et de labeur décelait le calme d’une vie chaste vouée à l’étude. Ce jour là, néanmoins, le soleil doué de la puissance renouvelée d’un mai nouveau, chassait tout vouloir raisonnable de la tâche coutumière.

Pierre céda, vint s’accouder à la croisée. Une bouffée chaude de printemps en fleurs l’enveloppa de parfums, fit monter en lui, d’une force irrésistible, une légère griserie.

Au couvent, la cloche tinta, égrena ses sons mélancoliques dans la jeunesse renaissante des arbres. Une robe sombre trottina, contournant les parterres, entretenus avec le soin méticuleux des béguines et disparut prestement. Malgré l’éclosion joyeuse des pousses, dont il semblait qu’on dût entendre le craquement sous la poussée des sèves, une torpeur s’élevait des corbeilles symétriques. Seul, dans les touffes d’arbres, le pépiement des oiseaux, ardents à la promesse des couvées, mettait un appel tumultueux d’impérieux désirs.

Ébloui de soleil, Pierre quitta la fenêtre. Brusquement, il se sentit étreint du désir de n’être plus seul, de se mêler à du bruit, à du mouvement, de descendre parmi la foule qui anime la rue et lui prête un visage.

Parti fort jeune de Rody, sa ville natale, Désiré Boissonou débarqua dans Paris possédé d’une idée tenace : s’établir au plus tôt marchand de « bois, charbons et vins ». Doué de la patience têtue de sa race, il débuta serveur chez un sien cousin qui avait déjà réalisé le même rêve. Après sept ans de travail acharné, de privations sordides, il s’établissait à son tour. En même temps, il se maria. Rompant avec les traditions familiales, ce ne fut pas une massive payse qu’il épousa, mais une jeune servante parisienne, blonde et douce. La petite possédait des économies, qui fortifièrent solidement l’amour de Désiré.

À cette époque, la rue Saint-Rustique, restait, tout en haut de la butte Montmartre, une ruelle de verdure où gitaient des merles. Paris, qui s’ossifie de ses hautes maisons neuves, commençait à resserrer leur cercle de pierre autour de la colline. Il l’a escaladé depuis, chassant avec les oiseaux, les artistes épris de vieux souvenirs.

Dans une boutique sombre de la rue Sainte-Rustique, Désiré s’installa. Pierre y naissait un an plus tard. Il poussa comme il voulut, parmi l’anthracite et les salaisons de l’Aveyron. Une épaisse poussière de charbon l’encrassait de la tête aux pieds, à peu près toute la semaine. Le dimanche matin seulement, on apercevait pour quelques heures, la grosse figure rose du marmot, piquée de taches de son, comme celle de sa mère, dont il possédait, avec la ressemblance physique, le caractère paisible et aimant.

Huit années, le rosier, qui s’obstinait à se couvrir de roses blanches parmi les détritus, avait refleuri dans la cour de Boissonou, quand Pierre, un matin, s’aperçut que l’écriteau de la maison d’en face lui manquait. Ce morceau de bois recouvert de carton servait de but à son lance-pierres. À demi pourri, secoué au gré des bourrasques, il portait une inscription qui s’effaçait :

« Maison avec jardin à louer »

Fut-ce le pittoresque de l’annonce, le charme du lieu qui retint un vieux monsieur qui passait ? Il s’arrêta devant l’étroit judas percé dans la porte et dont le volet n’existait plus, puis s’informa pour visiter. De suite, il loua.