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étouffés, lourds, autant que la peine de ce cœur qui jamais plus ne refleurirait.

Mais un moment, relevant la tête, les yeux de Pierre furent attirés par une large enveloppe couverte d’une haute écriture qu’il reconnut.

« Une lettre de Mabel », songea-t-il. La concierge qui faisait son ménage déposait son courrier à cette place et, en ce soir de détresse, une grande douceur lui vint qu’une lettre de Mabel l’attendît.

— Tout à l’heure, lui dit-il en son cœur.

D’abord, il fallait que la douleur battît moins violemment en son être. Par lambeaux, sa vie lui revenait. Il ressassait cette pensée qu’on est un vieux fou de rêver aux étoiles quand on a laissé fuir, sans courage, le temps des tendresses, avec sa chance d’heur ou de malheur. Son vieil ami qui avait mis en lui cette peur de l’amour, n’aurait pas changé son deuil pour le néant dans lequel il vivait. Chemargues lui-même, ce sceptique, se hâtait pour qu’avant la vieillesse, il pût connaître la douceur des jours, Pierre restait tout seul. Tout seul, tout seul, ces deux mots revenaient comme l’égrènement des litanies où la pensée s’engourdit en un appel désespéré vers le destin muet.

Quand il eut, pour ce soir-là, épuisé les larmes, Pierre alla prendre la lettre de Mabel. Une résolution subite le prit. Demain, il partirait retrouver les Saviston, qui si souvent l’avaient appelé auprès d’eux. Violemment, il arracherait les liens saignants et après avoir erré pour user sa peine, reviendrait apaisé.

Mabel disait :

« Mon ami, j’envoie une bizarre chose, une rose de Jéricho. Jamais, elle n’est morte, toujours elle revit dans l’eau. Elle est, comme vous dites, un symbole, le symbole, m’a affirmé un vieux pasteur dont nous avons fait connaissance, de la Résurrection… »


FIN.