Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après avoir été aussi caractérisée et aussi intense que possible, éprouva, pendant cinq mois, une suspension si complète, que ce médecin ne put constater qu’une seule fois, pendant ce temps, un très léger embarras de la parole, et encore était-ce vers la fin de la rémission ; quant à l’intelligence, elle n’avait pas recouvré son ancienne activité, mais tous les phénomènes du délire avaient disparu. Au bout de cinq mois, ce malade fut pris presque subitement d’attaques épileptiformes nombreuses qui, après un mois environ, déterminèrent sa mort.

Ces suspensions de la maladie, qui surviennent le plus souvent après la seconde période, ne sont pas tout à fait absolues, dans le sens rigoureux du mot. L’intelligence a presque toujours considérablement baissé de niveau, et il persiste quelques phénomènes de débilité musculaire, ainsi qu’un léger embarras de la parole, sensible surtout dans certains moments. La maladie laisse donc quelques traces, aussi bien dans le domaine de l’intelligence que dans celui des mouvements, contrairement à l’opinion de M. Baillarger ; mais, cette restriction une fois faite, on peut, sans inconvénient, donner à cet état, relativement rare, le nom d’intermittence, pour l’opposer plus nettement aux simples rémissions, plus ou moins complètes, qui sont au contraire très fréquentes dans le cours de cette maladie à toutes ses périodes. Cet état mérite, en effet, réellement le nom d’intermittence, tant est radicale la modification qui s’opère dans le physique et dans le moral de ces malades. On est vraiment frappé d’étonnement en voyant des aliénés, en proie depuis longtemps au délire des grandeurs le plus multiple et le plus incohérent, à l’agitation maniaque la plus violente, et à des phénomènes de débilité musculaire déjà très prononcés, revenir, comme par enchantement, à un état presque normal, reconnaître leurs erreurs, renoncer à toutes leurs idées délirantes, et recouvrer leurs forces musculaires. Un médecin exercé seul peut retrouver dans le tremblement léger des membres, des lèvres et de la parole, quelques traces de la maladie, qui se manifeste aussi par une diminution notable, mais sans trouble, dans l’étendue et la portée de l’intelligence, et souvent aussi par la faiblesse du caractère et de la volonté. Un résultat intéressant de l’observation clinique, c’est que lorsque la maladie se reproduit de nouveau après une intermittence de ce genre, elle revêt brusquement les caractères