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nullement ces malades, et qui ne sont que l’exagération de ceux que nous venons de décrire. Ces aliénés brisent, frappent tout ce qui les entoure, ramassent tous les objets, sont dans un mouvement perpétuel aussi désordonné que possible, déchirent leurs vêtements, ont une tendance presque constante à se déshabiller, et de plus, poussent d’une manière très continue, surtout pendant la nuit, des vociférations et des cris perçants ou plaintifs dont la fréquence et la continuité sont très caractéristiques de cette forme de maladie mentale.

Indépendamment de ces deux états d’agitation, qui se partagent en quelque sorte la vie du paralytique à cette seconde période, nous n’avons pas à mentionner autre chose dans la marche de l’affection, à cette époque de son cours, que la progression plus ou moins manifeste et plus ou moins régulière de l’affaiblissement musculaire et intellectuel. Ici, d’ailleurs, comme dans les autres périodes, rien n’est plus inégal que l’intensité relative des divers symptômes d’un moment à l’autre, et rien n’est plus accidenté que la marche de ces divers phénomènes. On voit non seulement l’agitation ou l’affaiblissement intellectuel varier considérablement de degré d’une époque à une autre, mais on voit aussi les phénomènes paralytiques, très marqués dans certains moments, devenir difficilement appréciables dans d’autres, surtout pendant l’agitation. Celle-ci, en effet, selon la remarque judicieuse de M. Bayle, semble faire diminuer l’intensité des troubles musculaires, en même temps qu’elle donne à l’intelligence un surcroît momentané d’activité. Les rémissions dans les symptômes physiques et moraux, soit séparément, soit simultanément, sont donc la règle pendant le cours de cette période comme pendant toute la durée de la maladie, contrairement à l’opinion générale, qui semble la considérer comme constamment et régulièrement progressive, sans interruption d’aucune espèce. L’observation attentive et suivie de tous les faits prouve, au contraire, que c’est une maladie essentiellement rémittente et paroxystique, et que si elle reprend toujours en définitive sa marche constante vers la démence, la paralysie et la mort, cette marche progressive ne se fait pas sans secousses et sans soubresauts, et est caractérisée, au contraire, par une grande inégalité dans le degré et le mode de développement des divers symptômes.