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commence à parler. On observe aussi dans cette variété, plus souvent que dans les autres, une inégale dilatation des pupilles.

Aussitôt que l’on adresse la parole à ces malades, leur physionomie s’épanouit tout à coup, et leur sourire exprime en même temps une satisfaction générale et une grande faiblesse d’intelligence ; c’est ce qu’on appelle vulgairement un rire bête. Ce rire est en effet l’expression exacte de leur état intérieur : loin d’être péniblement préoccupés d’idées tristes, comme on aurait pu le croire au premier abord, ils sont dans un état d’indifférence absolue, plus souvent même de contentement vague et général ; lorsqu’on leur demande comment ils se trouvent, ils répondent qu’ils sont heureux, qu’ils ne désirent rien, qu’ils se sentent bien portants ; quelquefois ils manifestent le désir de s’en aller, mais sans pouvoir préciser l’endroit où ils veulent se rendre ; ils sont d’ailleurs très faciles à détourner de cette idée à laquelle ils ne songent plus un instant après ; quelquefois encore ils ont plus ou moins conscience de leur état de faiblesse musculaire et de la gêne de leur prononciation, mais presque toujours ils l’expliquent, d’une manière quelconque, par une circonstance accidentelle, et, d’ailleurs, ne s’en préoccupent nullement. Cet état de débilité intellectuelle et morale peut, chez certains malades et à certaines périodes, exister seul, sans idées délirantes déterminées ; mais c’est beaucoup plus rare qu’on ne le croit généralement. Presque toujours, en interrogeant avec soin ces aliénés, on découvre souvent même assez facilement, plusieurs idées de satisfaction ou de grandeur qui ne les poussent pas à l’action, mais qui se perpétuent chez eux avec assez de persistance, et dont l’énoncé seul suffit pour illuminer subitement l’expression de leur physionomie, et pour donner à leurs idées et à leur langage une activité momentanée. C’est là ce qui arrive surtout chez les femmes, chez lesquelles cette variété paraît plus fréquente que chez les hommes, comme l’a déjà fait remarquer M. Baillarger ; on apprend alors de ces malades qu’elles ont chez elles de beaux vêtements, des robes de soie par exemple, beaucoup d’argent ou qu’elles vont épouser bientôt de grands personnages. En un mot, on retrouve chez ces aliénées des idées de grandeur ou de satisfaction, souvent moins gigantesques et moins multiples que dans les formes exaltées, mais qui ne laissent pas que d’être encore assez nombreuses. Ce qu’il y a de