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mençante de leur intelligence et de leur volonté les empêche déjà de suivre logiquement les conséquences de leurs pensées. Le plus souvent, ces idées en l’air, qui circulent dans leur esprit, ne les poussent nullement à l’action, ou bien s’ils cherchent un instant à agir dans cette direction, le plus simple prétexte suffit pour les en détourner, et la ruse la plus grossière pour les tromper. Les paralytiques qui présentent cette forme expansive du délire restent pendant longtemps dans cet état ; ils offrent seulement, selon les moments, des degrés variables dans la netteté de leur intelligence et dans leur agitation ; on s’aperçoit néanmoins que leurs facultés s’affaiblissent de plus en plus, que les troubles de la motilité et l’embarras de la parole, souvent à peine sensibles au début, se développent progressivement ; enfin on voit presque toujours survenir chez eux des paroxysmes d’agitation maniaque plus ou moins prononcés, sur lesquels nous reviendrons tout à l’heure.

Indépendamment de cette forme expansive, qui est beaucoup la plus fréquente, le désordre de l’intelligence, chez les paralytiques, peut se manifester, dès le début, sous un aspect bien différent que nous désignerons sous le nom de variété débile ou dépressive, et que les auteurs ont coutume d’indiquer, en disant que quelquefois chez les aliénés paralytiques, on observe la démence dès le commencement de la maladie.

Certains paralytiques, en effet, bien loin de présenter l’activité extrême que nous venons de mentionner, offrent beaucoup des apparences extérieures des mélancoliques ; ils sont apathiques, restent volontiers immobiles, parlent peu, excepté quand on leur adresse la parole, ont une expression de physionomie indifférente et sans mobilité ; les traits, au lieu d’être concentrés vers la ligne médiane comme chez les mélancoliques, sont tombants, sans tension aucune, et leur face paraît tout à la fois élargie et aplatie. Ce facies spécial, assez analogue à celui de la paralysie faciale double, suffit souvent pour diagnostiquer à première vue un paralytique, avant même qu’il ait proféré une seule parole : il exprime l’insouciance et l’absence d’idées beaucoup plus qu’une préoccupation pénible. De temps en temps, on remarque quelques mouvements spasmodiques dans les muscles de la face, surtout dans ceux de la lèvre supérieure, mouvements qui deviennent plus marqués lorsque le malade