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rale dans l’intensité des symptômes physiques et moraux, et d’autre part, l’irrégularité dans le degré et l’ordre d’apparition des divers phénomènes.

Ces généralités une fois posées, entrons dans la description abrégée de la marche de cette espèce de maladie mentale. Pour faciliter cette description, nous serons souvent obligé d’envisager comme distinctes les trois variétés dont nous venons de parler, quoiqu’elles ne représentent le plus souvent que des périodes se succédant chez le même malade.

Ordinairement, après les débuts que nous avons décrits précédemment, l’aliéné paralytique se trouve dans un état extrême d’activité physique et morale qui, au moment de l’explosion évidente de la maladie, peut même revêtir les caractères de l’agitation maniaque. Souvent, en effet, lorsque ces aliénés entrent dans les asiles, peu de temps après l’invasion du délire, ils sont dans un état semi-maniaque, et viennent de se livrer à une foule d’actes désordonnés ; souvent ces actes sont en rapport avec leurs idées délirantes, mais souvent aussi ils résultent d’un simple besoin de mouvement : il leur arrive, par exemple, de se lever pendant la nuit et de se mettre à errer dans la campagne sans but aucun, et sans se rendre compte ni de l’endroit où ils se trouvent ni de celui où ils vont. Je n’ai pas à décrire ici avec détails l’état de l’intelligence de ces malades, à la période d’agitation semi-maniaque et de suractivité intellectuelle, puisqu’en décrivant tout à l’heure les caractères généraux du délire dans cette maladie, j’aurai surtout en vue cette période. Les malades vont et viennent en tous sens, ont un besoin continuel de mouvement ; leur intelligence, en état d’ébullition, enfante à chaque instant de nouveaux délires, plus absurdes et plus impossibles à réaliser les uns que les autres, qui ont presque toujours le cachet de la satisfaction et de la grandeur, et dont ils se hâtent de communiquer les détails à tout venant. Ils distribuent avec profusion des titres, des dignités et de la fortune à tous ceux qui les entourent, et racontent, avec l’accent de la conviction et de la vérité, les histoires les plus mensongères, comme s’ils en avaient été acteurs ou témoins. L’activité de leurs actes est en rapport avec la fécondité de leur intelligence ; à chaque instant ils veulent entreprendre une nouvelle chose ou réaliser une nouvelle idée ; mais la faiblesse com-