Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certain nombre de paralytiques chez lesquels prédominent les symptômes du délire partiel, de la manie ou de la démence, pendant tout le cours de leur maladie, il n’en est pas moins vrai que ce ne sont là en général que des périodes, et que le même malade passe successivement, d’une manière irrégulière, par chacune d’elles. Tel paralytique, en effet, qui paraît d’abord simplement dément et calme, s’agite peu à peu ou subitement, pour revêtir les caractères du délire partiel actif ou de la manie, et pour tomber ensuite plus tard dans la démence ; tel autre, primitivement maniaque, se calme au point de prendre les apparences extérieures de l’aliéné partiel, et finit à son tour par arriver à la démence.

Le fait le plus remarquable dans la marche de cette maladie, au physique comme au moral, c’est la grande irrégularité qui existe dans l’apparition, la durée et l’intensité des différents phénomènes, chez les divers malades et chez le même individu. Peut-être une étude plus attentive fera-t-elle découvrir un jour quelques variétés de marche qui permettront de prévoir, dans un cas donné, par l’évolution des premières périodes de la maladie, celle des périodes ultérieures ; mais, dans l’état actuel de la science, cette prétention serait bientôt démentie par les faits. Ce qu’il y a de certain cependant, c’est qu’au milieu de cette variabilité individuelle si grande, dans l’époque et l’ordre d’apparition des divers phénomènes, il est possible de décrire une marche générale, applicable au plus grand nombre des cas. Cette maladie, en effet, a pour loi générale d’avoir une marche progressive dans son ensemble, quoique irrégulière dans ses détails. Elle passe ainsi, au physique, de la simple irrégularité dans la coordination des mouvements, à la faiblesse musculaire de plus en plus prononcée, sans arriver jamais cependant jusqu’à une paralysie complète. Elle passe, au moral, de la suractivité de l’intelligence à un degré de plus en plus marqué de débilité intellectuelle, présente dans son cours de fréquents accès d’agitation, et arrive enfin jusqu’à la démence. C’est en ce sens seulement que Bayle a pu dire, d’une manière non pas rigoureuse, mais approximative, que ces malades passaient de la monomanie à la manie, et de la manie à la démence.

En résumé, cette affection paraît soumise, dans sa marche, à deux lois, en apparence contradictoires : d’une part la progression géné-