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manquent à la science pour la description exacte de cette période, et que l’on ne doive affirmer qu’avec réserve les divers détails que l’on y fait figurer.

La question la plus controversée, relativement au début de cette maladie, est celle de savoir si les premiers phénomènes qui apparaissent sont les symptômes paralytiques ou les symptômes intellectuels et moraux. Jusqu’à ces derniers temps, tous les médecins aliénistes admettaient que les phénomènes du délire précédaient presque toujours de longtemps l’apparition des phénomènes paralytiques ; ils allaient même jusqu’à considérer la paralysie comme une simple complication de la folie. MM. Baillarger et Lunier principalement, se sont élevés contre cette manière de voir et ont cherché à démontrer la proposition inverse, soit par des observations nouvelles, soit par la critique des observations publiées par divers auteurs. M. Baillarger surtout s’est appuyé, à cet égard, sur des considérations qui ne manquent pas de justesse. Il a fait remarquer que presque tous les aliénés paralytiques présentaient des phénomènes, plus ou moins sensibles, de tremblement ou d’embarras de la parole au moment de leur entrée dans les asiles, c’est-à-dire dès le premier instant où un médecin exercé était appelé à les examiner ; il a fait observer, en outre, que ces symptômes si légers de paralysie, à peine aperçus par la plupart des médecins, devraient à plus forte raison, échapper à l’attention des familles : les renseignements perdaient ainsi toute valeur relativement à l’existence d’un symptôme que les parents n’étaient pas en état de constater, et qui devait moins les frapper que les modifications survenues dans les habitudes, le caractère ou l’intelligence ; enfin il a ajouté qu’il avait souvent observé des malades atteints d’abord uniquement de phénomènes paralytiques, et qui plus tard seulement avaient présenté les symptômes du délire caractéristique de cette affection.

Loin de contester la justesse de ces réflexions et l’exactitude des faits observés, nous croyons que M. Baillarger a fait une chose utile en fixant l’attention des médecins sur des symptômes prodromiques qui avaient échappé à la plupart des observateurs ; mais nous pensons que cet auteur a poussé trop loin la réaction contre l’opinion anciennement reçue, et qu’il s’est trompé en proclamant comme règle générale ce qui nous paraît être l’exception. Il est certain, en