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délire voyaient dans cette succession une sorte de subordination d’un symptôme à l’autre, comme si la paralysie eût été un effet du délire. Eh bien ! ceux qui les ont combattus semblent avoir raisonné dans la même hypothèse ; ils se sont bornés à intervertir les rôles, et lorsqu’ils disent que le délire succède à la paralysie, ce langage est presque pour eux l’expression de la pensée que le délire serait un effet de la paralysie ; en un mot, ils semblent considérer le phénomène paralysie comme constituant à lui seul une maladie qui peut exister avec ou sans délire, au lieu de considérer la paralysie et le délire comme deux symptômes d’une même affection. Telle nous paraît même avoir été la cause principale des confusions nombreuses dans lesquelles on est tombé, en ne tenant aucun compte du délire et en ne fixant son attention que sur la paralysie.

Il n’est donc pas nécessaire de chercher à prouver que la paralysie précède presque toujours l’apparition du délire pour démontrer que la folie paralytique est une affection spéciale et non une terminaison possible de toutes les folies. En effet, comme nous le dirons bientôt, la proposition avancée par MM. Baillarger et Lunier ne nous paraît pas généralement vraie : ils ont soutenu l’antériorité d’apparition de la paralysie ; nos observations, au contraire, nous portent à penser que la production presque simultanée du délire et de la paralysie est la règle habituelle, et qu’il existe, en outre, un assez grand nombre de cas où le délire précède d’un temps plus ou moins long la manifestation de la paralysie. Mais, alors même que le délire précéderait presque toujours, cela ne nous empêcherait pas de croire à une affection spéciale : peu importe, en effet, qu’un symptôme précède l’autre dans l’évolution de la maladie s’il est démontré qu’ils sont intimement liés comme expression d’un même état morbide, et si l’existence de l’un, avec ses caractères spéciaux, suffit pour faire prévoir la production ultérieure de l’autre.

Pour combattre l’opinion qui consiste à envisager la paralysie générale comme une simple complication de toutes les folies, le meilleur moyen ne nous paraît donc pas de chercher à prouver que la paralysie précède toujours le délire ; il faut montrer que cette paralysie spéciale ne survient pas dans les aliénations anciennes, que toutes les folies ne sont pas susceptibles de se transformer en