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nation : les uns admettent, avec Esquirol, que cette paralysie n’est qu’un symptôme survenant accidentellement dans toutes les formes de la folie, et terminant même la plupart des folies chroniques ; les autres, au lieu de la considérer comme une complication éventuelle, admettent que tous les aliénés indistinctement ne sont pas susceptibles de devenir paralytiques. Cette seconde opinion, formulée ainsi d’une manière générale, par opposition à la précédente, se subdivise, à son tour, en deux autres opinions différentes : dans l’une, la paralysie générale est considérée comme une forme spéciale de maladie mentale, et dans l’autre, comme une maladie, également spéciale, mais distincte de la folie.

Georget, en imprimant en 1820[1] que le cerveau, d’abord atteint comme organe de l’intelligence, devait finir par être atteint également comme organe des mouvements, a exprimé, ce me semble, de la manière la plus nette, la doctrine des partisans de l’idée de complication, parmi lesquels on compte encore un assez grand nombre de médecins aliénistes. Esquirol, d’ailleurs, a formulé la même opinion ; il va jusqu’à dire que certains maniaques deviennent paralytiques, à force de rester longtemps fixés sur un fauteuil[2]. En un mot, il semble que beaucoup d’aliénistes considèrent aujourd’hui comme établies les deux propositions suivantes, qui paraissent en quelque sorte solidaires ; toute folie qui devient chronique finit par se transformer en démence, et toute démence a de la tendance à se compliquer de paralysie. Ces deux propositions ne nous paraissent pas plus exactes l’une que l’autre. Ce n’est pas ici le lieu de chercher à démontrer que la folie chronique n’est pas toujours de la démence, c’est-à-dire que tous les aliénés, atteints de folie depuis de longues années, sont loin de présenter les caractères psychiques attribués à la démence, par Pinel et par Esquirol, caractères qui se résument dans l’affaiblissement extrême des facultés intellectuelles et morales. Qu’il nous suffise d’invoquer à cet égard le témoignage des médecins placés à la tête de grands asiles d’aliénés ; ils reconnaîtront, comme nous, que beaucoup d’aliénés, ayant séjourné longtemps dans ces établissements, présentent une simple aliénation partielle chronique,

  1. Georget, Traité de la folie, 1820.
  2. Esquirol, Des Maladies mentales, t. II, p. 282.