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sieurs espèces distinctes, la méthode purement symptomatique offre à son tour le danger précisément inverse. En fixant uniquement son attention sur l’observation symptomatique des maladies, on constate entre elles des différences si nombreuses qu’on est presque infailliblement conduit à multiplier à l’infini leurs formes et leurs variétés, et à constituer autant d’unités distinctes qu’il existe de symptômes importants. C’est ainsi que l’ancienne médecine est arrivée, dans la pathologie cérébrale, à faire du vertige, de la céphalalgie, de la convulsion, de la contracture, de l’hémiplégie, etc., autant d’affections distinctes et séparées. On arrive même dans cette voie à un résultat plus fâcheux encore. On ne cherche plus à décrire des maladies ayant leurs symptômes propres, leurs périodes et leur marche particulière : on réduit toute la pathologie à la séméiologie. On détache les symptômes observés de leur entourage naturel ; on les arrache violemment à la maladie ou à la période à laquelle ils appartiennent, pour les placer arbitrairement dans un ordre méthodique, à côté d’autres symptômes du même genre, empruntés à des états tout différents. On rapproche ainsi artificiellement, à l’aide d’un seul caractère commun, des faits qui ne présentent, au milieu de toutes leurs diversités, qu’un seul point de contact. Tel est l’écueil de la séméiologie des affections cérébrales, telle que l’a conçue l’auteur dont nous parlons, et telle qu’elle a été réalisée par le professeur Romberg[1]. Une fois entré dans cette voie purement séméiologique, on arrive inévitablement à classer les symptômes des maladies dans l’ordre des fonctions lésées, à constater que ces fonctions peuvent être altérées de trois façons différentes, c’est-à-dire exaltées, affaiblies ou perverties, et l’on énumère ainsi successivement sous ces trois chefs les signes les plus variés empruntés aux affections les plus diverses. On arrive même, par une conséquence rigoureuse et presque fatale, à la négation des maladies elles-mêmes. On en vient au point auquel est parvenu le professeur Romberg, c’est-à-dire à rayer de la science les maladies les mieux caractérisées, dont l’existence distincte a été sanctionnée par l’expérience des siècles, telles que la chorée, l’hystérie, l’épilepsie, que cet auteur distingué ne décrit plus comme affections spéciales et se

  1. Romberg, Lehrbuch der Nervenkrankheiten des Menschen ; Berlin, 1846.