Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/627

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La variabilité fréquente dans la durée et le degré d’intensité des différents accès que nous avons signalée à propos de la marche de la maladie, mérite donc d’être rappelée au point de vue du pronostic, parce qu’on peut, à tort, prendre ces simples diminutions dans l’intensité des symptômes pour de véritables guérisons.

De plus, il y a certains accès très intenses qui ont une durée très courte et d’autres moins caractérisés qui durent pendant très longtemps. Certains malades par exemple, restent cinq ou six ans dans l’état mélancolique, ou bien dans l’état maniaque, tandis que dans le même cercle, l’état inverse présente une durée beaucoup moins longue. L’intermittence entre les accès est également d’une durée variable, tantôt très courte et tantôt très prolongée, de sorte que l’on peut souvent commettre des erreurs dans le diagnostic et le pronostic de cette forme de la folie. Mais on peut poser en principe que dès lors que l’on a constaté plusieurs cercles de folie circulaire chez un malade, alors même qu’il paraît guéri momentanément, on doit toujours redouter chez lui la reproduction d’une nouvelle alternance régulière de l’excitation maniaque et de la dépression mélancolique.

La folie circulaire ou à double forme est donc une maladie grave, puisqu’elle ne guérit jamais d’une manière durable. Mais, chose remarquable, que nous avons déjà signalée à propos de la marche, elle ne se transforme pas et n’aboutit jamais à la démence.

On retrouve à soixante-dix ans, des malades que l’on avait observés à l’âge de vingt-cinq ans, aussi actifs de corps et d’esprit, aussi vifs et aussi entreprenants que dans la jeunesse. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’observer, pendant de longues années, des malades de ce genre et en particulier un homme dont j’ai déjà parlé précédemment, et que ma position personnelle m’a permis de suivre pendant quarante-sept ans. Il est mort à l’âge de soixante-dix-sept ans, de congestion cérébrale, mais avant sa mort, il présentait presque le même degré d’activité intellectuelle que pendant son âge mûr.

Enfin, les accidents congestifs, signalés précédemment à propos de la marche de la maladie, qui se produisent souvent pendant la vie, surtout dans la période maniaque, méritent également d’être rappelés au point de vue du pronostic, attendu que l’on doit toujours en prédire l’apparition possible et que l’on doit prévoir à l’avance qu’ils peuvent déterminer la mort de ces malades.