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femme que chez l’homme. Cependant on en observe chez l’homme des cas très évidents et très caractérisés. Pour ma part, j’ai eu l’occasion, peut-être unique, d’observer le même malade atteint de cette forme d’aliénation mentale pendant quarante-sept ans jusqu’à sa mort. Il est des asiles d’aliénés dans lesquels on ne rencontre pas un seul homme atteint de folie circulaire, tandis qu’il en existe toujours plusieurs exemples chez les femmes. La proportion générale nous paraît être d’un homme pour quatre ou cinq femmes.

Du reste, ce n’est pas dans les asiles d’aliénés qu’il faut chercher des exemples de cette forme de maladie mentale. Sa fréquence est beaucoup plus grande qu’on ne le croirait au premier abord, parce que la plupart de ces malades vivent dans la société et dans la famille et entrent rarement dans les asiles d’aliénés. Il y a, en effet, dans le monde, comme nous l’avons déjà dit, un certain nombre d’individus qui passent leur vie dans une alternative régulière de dépression et d’excitation, représentant comme deux caractères opposés réunis dans la même personne. Pendant un certain temps, leur existence reste cachée pour tous ; ils fuient le monde, se renferment dans leur chambre et gardent même le lit. Ils négligent de s’habiller ou ne s’habillent qu’à moitié et vivent seuls, dans la plus grande malpropreté. Ils passent ainsi plusieurs mois pendant lesquels ils ne paraissent nulle part et cet état mélancolique reste complètement inaperçu pour le public. Mais, plus tard, ils changent de forme et il semble alors qu’une nouvelle personnalité soit entrée dans le même corps. Ils se montrent partout, font des visites, écrivent des lettres, vont au spectacle, se livrent à des actes insensés, à des excès alcooliques et à toutes sortes de désordres. Comme on ne les observe que pendant ces périodes de leur existence, on croit que c’est là leur caractère habituel et l’on ne sait pas que, dans d’autres moments, ils sont mélancoliques, affaissés, inertes et souvent même atteints de mutisme volontaire.

L’existence de ces individus, qui vivent dans la famille ou dans la société, sans être considérés comme des aliénés, mérite d’être signalée, non seulement au point de vue de la fréquence de cette forme de maladie mentale, mais aussi sous le rapport du diagnostic et de la médecine légale, comme nous le dirons tout à l’heure. — La connaissance de ces faits cliniques peut être également