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appréciable pendant que le malade prend des aliments. Dans d’autres cas enfin, il y a diminution du goût, par suite d’une perte de la sensibilité de la langue et du pharynx.

Indépendamment de ces troubles de la sensibilité générale, chacun des sens spéciaux peut être affecté d’une manière différente, et ces altérations de la sensibilité spéciale ont une véritable importance. Pour bien apprécier le degré de diminution ou d’augmentation dans l’activité des sens spéciaux, il importe de les comparer à leur état normal chez l’individu soumis à l’examen, car il existe de grandes différences sous le rapport de l’acuité des sens chez les divers individus ; néanmoins, lorsque le degré d’anesthésie ou d’hyperesthésie sensoriale est très prononcé, on doit le considérer comme maladif.

La vision surtout offre, dans les affections cérébrales, de nombreuses altérations qui méritent de fixer l’attention.

En première ligne, figure l’amaurose, soit subite, soit survenue graduellement, et qui dépend le plus souvent d’une compression exercée par une tumeur sur les nerfs optiques à leur origine, ou d’une maladie des tubercules quadrijumeaux, des couches optiques ou des parties environnantes. Le plus souvent, cette amaurose d’origine cérébrale est accompagnée de sensations subjectives lumineuses, de visions de diverses natures, qui peuvent même quelquefois se transformer en véritables hallucinations.

L’amaurose due à une lésion cérébrale est fréquemment aussi associée à des troubles variés de la vision, au strabisme, à la paralysie du nerf moteur oculaire commun, avec dilatation de la pupille et chute de la paupière supérieure, à l’hémione et à la diplopie. Tantôt l’œil voit les objets renversés, tantôt leurs contours sont effacés ou comme brisés : en lisant, le malade n’aperçoit pas certaines syllabes, certains mots ou certaines lignes, et il est obligé de mouvoir l’œil ou la tête pour découvrir ces points effacés. Dans d’autres cas, il ne voit que la moitié des objets ; enfin il est des circonstances où il ne distingue les objets que lorsqu’ils sont dans un certain rapport avec l’œil. Dans les cas d’amaurose cérébrale produite graduellement, il est rare que les deux yeux soient atteints au même degré ; il arrive même souvent que le hasard seul fait découvrir la perte déjà ancienne de l’un des yeux quand l’autre commence lentement à s’affaiblir.