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individus enfermés dans ces asiles, on doit encore admettre deux degrés différents d’intensité de la maladie. Dans le premier degré, cette affection est caractérisée par l’excitation maniaque simple, sans trouble complet de l’intelligence, avec des altérations profondes des sentiments et des instincts et avec un grand désordre des actes, et la période mélancolique par un état général de dépression, sans conceptions délirantes dominantes, mais avec un penchant au suicide, un refus des aliments, un mutisme volontaire et une tendance à la stupeur qui dépassent de beaucoup le degré de la mélancolie que nous venons de décrire chez les malades restés au sein de la famille. Dans le second degré enfin de la folie circulaire, observée dans les asiles, à l’état général d’excitation et de dépression, qui est toujours le fait psychique fondamental, il vient s’ajouter des conceptions délirantes plus ou moins nombreuses dans le sens de la satisfaction ou des idées de grandeur, pour les périodes maniaques, et dans le sens de la ruine, de la culpabilité ou de la damnation, pour les périodes mélancoliques ; enfin, dans quelques cas plus rares, on observe aussi des hallucinations de l’ouïe ou de la vue.

Ces trois degrés d’intensité de la folie circulaire peuvent survenir séparément chez divers individus, ou bien ils peuvent se succéder chez un même malade dans des accès différents, mais pour bien établir l’unité de la forme morbide, il importe de proclamer que, malgré ces variations dans le degré d’intensité de la maladie, le fond de l’état mental reste le même chez tous les malades et peut se résumer par les mots d’état d’excitation simple pour les périodes maniaques et par celui d’état de dépression pour les périodes mélancoliques.

Malgré ces différences assez notables dans la durée et dans l’intensité de ses accès, ou de chacune de ses périodes, la folie circulaire poursuit son cours assez régulier pendant toute la vie des individus qui en sont atteints. Peu de médecins se trouvent en position de suivre de semblables observations durant de longues années chez les mêmes malades ; c’est ce qui rendra toujours très difficile l’observation vraiment scientifique de la marche des maladies mentales. Notre situation personnelle nous a procuré sous ce rapport un avantage exceptionnel. Elle nous a permis d’observer, pendant