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Ce caractère maladif devient bien autrement manifeste, lorsqu’après une durée plus ou moins longue de l’état d’excitation, qui a passé pour un simple changement de caractère, on voit survenir, peu à peu ou tout à coup, chez ces individus jusque-là d’une gaieté et d’une activité exagérées, un état précisément inverse, à tel point que l’on croirait avoir affaire à deux individus différents. Au lieu de présenter cette activité exubérante qui ne ressentait ni la fatigue ni le besoin du repos, ces malades cessent de sortir, de faire des visites, de s’occuper d’affaires ; ils changent complètement de caractère ; ils deviennent sédentaires, peu communicatifs, presque silencieux ; ils fuient le monde, recherchent la solitude et l’isolement, parlent peu ou répondent brièvement aux questions qu’on leur adresse, se plaignent d’un malaise général, d’un état de souffrance très pénible, d’anxiété précordiale, de perte d’appétit ; ils sont tristes, malheureux, anxieux sans motifs, ou pour de légers motifs. Ils ont eux-mêmes conscience de leur état, et s’en affligent, mais ils ne peuvent parvenir à le modifier ; ils arrivent ainsi jusqu’au dégoût de la vie, ou au refus des aliments, et dans les cas extrêmes ils se renferment dans leur chambre pendant plusieurs mois, sans attirer, d’une manière notable, l’attention des personnes qui les entourent, surtout lorsqu’on sait qu’ils sont sujets à ce que l’on appelle vulgairement des accès d’humeur noire.

Quant au public, il n’aperçoit ces individus que de temps en temps et n’a aucune occasion de les voir lorsqu’ils sont renfermés chez eux ; il ne peut donc se douter de l’état maladif dans lequel ils se sont trouvés pendant plusieurs mois, et lorsqu’il les voit reparaître plus tard, à l’époque où surgit la période d’excitation, il les retrouve tels qu’il les a connus autrefois. Il croit dès lors à un caractère excentrique, gai et spirituel, et à une activité fébrile, comme on en observe chez quelques individus exceptionnels, mais il ne peut soupçonner l’existence d’un état morbide qui n’est appréciable que par la reproduction successive des périodes d’excitation et de dépression que tout le monde n’est pas appelé à constater.

Tel est le degré le plus léger et le plus souvent inaperçu de la folie circulaire, dont l’observation ne peut être faite qu’en dehors des asiles d’aliénés.

Degrés plus intenses observés dans les asiles. — Parmi les