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avec absence complète d’impulsion, que dans des prédominances d’idées tristes, comme dans les délires partiels mélancoliques. Mais, en dehors de ce caractère général, en quelque sorte typique, il existe un assez grand nombre de diversités individuelles, selon les malades que l’on est appelé à observer.

Degrés atténués observés dans le monde. — Et d’abord, il y a une première catégorie de faits bien importants à signaler, surtout au point de vue de la pratique et de la médecine légale. On ne sait pas assez, et l’on ne saurait trop répéter, qu’on rencontre fréquemment dans les familles et dans la société des individus que l’on ne considère pas comme des malades, moins encore comme des aliénés, et dont la vie entière se passe, à l’insu de la plupart des personnes qui les entourent, dans un roulement successif de périodes d’excitation modérée et de mélancolie peu prononcée et qui sont en réalité atteints d’un degré évident, mais plus léger, de cette forme de maladie mentale. Ils continuent à vivre de la vie commune ou de la vie de famille, sans que l’on songe à les traiter comme des malades, bien loin de les considérer comme des aliénés et surtout de les faire enfermer dans les asiles. Tant qu’ils sont dans la période d’excitation, ces individus paraissent simplement avoir changé de caractère et avoir acquis momentanément une activité inaccoutumée. Ils s’occupent d’affaires ; ils font des visites nombreuses ; ils écrivent des lettres à des personnes qu’ils ne fréquentaient pas habituellement ; ils ont un besoin de mouvement incessant ; ils dorment très peu, font des voyages ou des projets nombreux ; ils remplissent, avec une activité fébrile, les devoirs de leur profession, ou bien ils entreprennent des affaires nouvelles qu’ils cherchent à mener de front avec leurs occupations habituelles ; ils manifestent, à tout propos, une gaieté exagérée ; ils se montrent intelligents, loquaces et mêmes spirituels, et quoiqu’il y ait toujours un grand désordre dans leurs actes et un certain décousu dans leurs discours, les personnes qui ne les connaissent pas de longue date ou qui ne les ont pas observés à d’autres époques, ne peuvent pas juger leur véritable situation mentale, tandis que la nature maladive de cet état n’échapperait pas à un observateur attentif et est quelquefois appréciée avec vérité par des membres de leur famille ou par ceux qui vivent habituellement avec eux.