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blir définitivement et d’une manière continue pendant longtemps.

Enfin, il est des cas, plus fréquents qu’on ne croit, sur lesquels plusieurs auteurs ont déjà attiré l’attention et où la transformation entre les deux états se fait d’une manière presque subite, sans transition aucune. Le malade, qui s’est endormi la veille dans l’excitation se réveille le lendemain dans la dépression.

La métamorphose complète de la personnalité a lieu ainsi dans l’espace d’une nuit, ou du jour au lendemain, sans aucun retour de l’excitation précédente.

Le même processus peut être observé dans le passage de la mélancolie à l’excitation ; il n’existe pas alors de véritable intervalle lucide entre les deux périodes.

La maladie est constituée par l’alternative régulière des deux états de manie et de mélancolie, sans troisième période intercalaire.

Mais, d’après nos observations et d’après celles qui sont consignées dans la science, ces faits nous paraissent constituer l’exception et non la règle.

Dans la majorité des cas, au contraire, on doit admettre, comme l’a dit mon père, une troisième période, ou période d’intervalle lucide, entre la mélancolie et le retour de l’excitation.

Après une durée plus ou moins prolongée de la phase mélancolique, avec les caractères spéciaux que nous lui avons assignés on voit cet état diminuer d’intensité, par nuances successives, et arriver enfin à un degré de dépression légère, après lequel le malade reprend peu à peu toutes les habitudes de sa vie normale.

Il recommence à s’occuper et il rentre dans l’exercice de ses devoirs de famille et de ceux de sa profession. Il n’a plus le sentiment de malaise général, ni celui de profonde incapacité physique et moral qu’il avait auparavant. Il déclare qu’il ne souffre plus, sans cependant avoir le sentiment de bien-être exagéré et de force exubérante qui signalera le retour de la période d’excitation. Il apprécie convenablement sa situation passée et son état actuel. Il ne voit plus tout en noir, et cependant il n’éprouve pas encore la tendance générale à l’optimisme qu’il manifestera plus tard. Il a repris réellement le caractère qu’il avait avant sa maladie. En l’étudiant profondément, au point de vue psychologique, on ne peut parvenir à le trouver, ni différent de lui-même à son état normal,