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le cas le plus fréquent. Peu à peu l’excitation baisse de niveau, pour arriver enfin à un état de calme plat, à une sorte d’équilibre de raison, que l’on peut comparer au repos passager de la mer, entre la marée montante et la marée descendante. Mais ce calme est très imparfait et de bien courte durée. À peine a-t-on vu disparaître les dernières traces de la période d’excitation que l’on voit déjà poindre les premiers linéaments de la période mélancolique qui commence. Au lieu de remuer sans cesse, d’être poussé à parler spontanément, le malade n’agit que lorsqu’il y est forcé, par une circonstance quelconque ou par une volonté étrangère ; il ne recherche plus avec avidité la société et les conversations d’autrui ; il commence au contraire à préférer la solitude de l’isolement, à fuir le monde et à se retirer à l’écart.

Ce sont là les signes évidents de la période mélancolique commençante, qui s’accentue bientôt de plus en plus, pour arriver plus ou moins rapidement à son summum d’intensité.

Dans ces cas de transition presque insensible entre la phase d’excitation et la phase de dépression, il est très difficile de saisir un moment, même passager, pendant lequel on pourrait affirmer que le malade est complètement revenu à son état normal. Il n’existe pas en effet de limite appréciable entre le dernier degré de l’échelle descendante de l’excitation et le premier degré de la dépression ascendante. Le passage de l’une à l’autre se fait par transitions insensibles et est comparable au passage du jour à la nuit, ou de la nuit au jour. Ici, comme dans la nature, on voit les dernières ombres de la nuit s’effacer peu à peu devant les premiers rayons du jour.

Le passage de l’excitation à la dépression peut encore s’opérer de deux autres façons, et dans les deux cas il n’y a pas d’intervalle lucide vrai.

La transition s’effectue par oscillations successives ou d’une manière tout à fait brusque. Dans le premier mode, on observe, à plusieurs reprises, des alternatives rapprochées de manie et de mélancolie. Le malade que l’on avait laissé la veille dans un état évident d’excitation, on le retrouve le lendemain tombé dans la dépression. Celle-ci se prolonge pendant quelques jours pour faire place de nouveau à un retour d’excitation, et après plusieurs oscillations de ce genre, d’une durée variable, la période mélancolique finit par s’éta-