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rence, dénotent néanmoins chez eux l’existence d’un trouble mental très étendu, malgré la fécondité apparente des pensées, la facilité des réparties et les traits d’esprit qui se manifestent fréquemment dans leur langage.

Les sentiments et les penchants, c’est-à-dire la partie affective de notre être, sont aussi surexcités chez ces malades que leur intelligence. Toutes les passions humaines les plus contradictoires sont en fermentation dans leur cœur de même que les idées les plus disparates pullulent dans leur esprit. Ils manifestent alternativement la joie la plus excessive et des émotions passagères de tristesse qui leur font verser des larmes. Ils passent brusquement de l’affection à la colère, des passions érotiques les plus violentes aux mouvements de haine, de jalousie et de vengeance les plus dangereux.

Malgré leur gaieté habituelle et leur état de satisfaction, ces malades sont les plus malveillants, les plus taquins et les plus malfaisants de tous les aliénés. Ils inventent à chaque instant les histoires les plus fausses et les plus mensongères et ils les affirment avec un cynisme qui n’a son analogue que chez les femmes hystériques. Ils racontent les inventions les plus invraisemblables avec l’accent de la vérité la plus convaincue ; ils attaquent la réputation, l’honneur et la moralité de tous ceux qui les entourent, avec une précision de détails et une persistance maladive qui parviennent souvent à porter la conviction dans l’esprit de ceux qui les écoutent, même alors qu’on les connaît le mieux et que l’expérience du passé devrait tenir en garde contre leur caractère malveillant et contre leurs inventions mensongères.

La partie impulsive de notre être participe à cette surexcitation de toutes les facultés. Souvent, dans leurs moments de plus grande excitation, ces malades ne connaissent plus d’obstacles et se livrent aux mouvements les plus violents. Non seulement ils deviennent incoercibles et presque impossibles à diriger, à cause de l’extrême désordre de leur conduite, mais ils peuvent devenir dangereux par les actes violents auxquels ils s’abandonnent.

C’est, en effet, par leurs actes, plus encore par leurs discours, que se manifeste chez ces malades le trouble profond qui existe dans leur état intellectuel et moral.

Ils ont, dans leur manière d’être, dans leur tenue, dans tout leur