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tuel), soit dans les asiles des aliénés, se présentent en général à l’observateur sous l’aspect suivant : ils sont affaissés, déprimés et disposés à l’immobilité. Ils ont une tendance naturelle à rester assis ou couchés, et ne se livrent au mouvement que quand ils y sont contraints et forcés.

Si vous les interrogez, ils ont en général peu de tendance à vous répondre et sont plus disposés au silence qu’à la conversation. Cependant, dans le premier degré de la maladie, ils parlent encore assez volontiers et alors, ils ne cessent pas de se plaindre de leur pénible état et de leurs souffrances physiques et morales. Ils sont les plus malheureux des hommes, disent-ils ; ils ont perdu toute leur activité physique et morale, et ils ont conscience de cette insuffisance de leurs forces physiques et intellectuelles.

Ils ne sont plus capables de rien, ajoutent-ils, et ils souffrent un véritable martyre. Ils n’ont plus ni sentiment ni affection pour leurs parents ni pour leurs enfants. Ils sont devenus insensibles à tout, et la mort même des personnes qui leur étaient chères les laisserait indifférents et froids. Ils ne peuvent plus pleurer et rien ne les émeut en dehors de leurs propres souffrances. Ils accusent un malaise indéfinissable, un sentiment général de fatigue et d’incapacité physique et morale ; le moindre mouvement leur coûte et leur est pénible. Ils ne peuvent plus vouloir. Ils manquent complètement de désir et d’impulsion. Ils resteraient des heures entières dans la même attitude et dans la même immobilité, sans pouvoir se décider à rien. Tout leur est à charge. Ils ne peuvent plus s’occuper et négligent tous leurs devoirs de famille, ainsi que ceux de leur profession. Leur intelligence est ralentie dans son mouvement et obscurcie dans la netteté de ses conceptions. Ils n’ont presque plus d’idées et ne peuvent plus penser. Toute réflexion et toute conversation leur demandent un grand effort et deviennent pour eux une fatigue qu’ils cherchent à éviter à tout prix.

Leur santé physique se ressent également de cet état d’affaissement et de dépression du moral. Ils maigrissent d’une façon notable. Les digestions sont pénibles et la nutrition se fait mal. La peau devient sèche et rugueuse. Toutes les sécrétions sont diminuées ou même taries, comme celles de la salive et des larmes. Toutes les fonctions sont ralenties, dans leur mouvement, la respiration et la circulation, par exemple.