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nerveuse, commencées par Moreau de Tours[1] et Prosper Lucas[2], et qui ont été élevées à l’état de théorie générale par notre si regretté maître le Dr Morel de Saint-Yon[3].

Cet auteur a posé, en effet, les premiers fondements d’une théorie générale de l’hérédité, qui deviendra la base d’une nouvelle doctrine scientifique, destinée à remplacer celle qui existe aujourd’hui, en rattachant les caractères des diverses formes de maladies mentales à une cause supérieure, l’hérédité, qui les domine toutes et imprime à chacune d’elles des caractères spéciaux et une marche particulière bien dignes de fixer l’attention des observateurs.

À ces travaux si importants, nous devons encore ajouter d’autres études sur des points spéciaux, tels que le délire de persécution, l’état mental des épileptiques, des hystériques et des aphasiques, et les recherches récentes sur les folies raisonnantes et les troubles intellectuels liés à diverses névroses émotives, travaux qui contribueront également à transformer complètement les doctrines régnantes en pathologie mentale. Mais parmi toutes ces études nouvelles, qui réagiront puissamment sur les principes généraux de la médecine mentale, il en est une, en apparence plus modeste, qui a néanmoins une véritable importance. Nous voulons parler de la découverte de la folie circulaire ou folie à double forme, maladie décrite d’abord par mon père et par M. Baillarger en 1854. C’est cette espèce de maladie mentale que nous nous proposons d’étudier actuellement.

Elle consiste essentiellement dans l’alternance de l’état maniaque et de l’état mélancolique, séparés ou non par un intervalle lucide plus ou moins prolongé. Cette succession régulière, chez un même malade, de deux états symptomatiques, considérés jusqu’à présent comme constituant deux formes distinctes de maladies mentales, et qui ne représentent plus que deux périodes successives d’une même espèce morbide, caractérisée par la marche de ces états pathologiques plutôt que par leurs symptômes propres, est certainement la négation la plus absolue de la classification régnante.

  1. Moreau de Tours, Psychologie morbide, 1859.
  2. Lucas, Traité physiologique et philosophique de l’hérédité naturelle, Paris, 1847-1850.
  3. Morel, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine ; Paris, 1857.