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été folle, et que son père avait abusé de ma confiance, se proposait de diriger des poursuites contre lui.

« Cette malheureuse demoiselle, me disait-il, que j’ai souvent dans mon cabinet, a été examinée par moi, et je n’ai jamais reconnu le moindre dérangement dans ses idées ; bien au contraire.

J’ai voulu étudier s’il y avait quelque monomanie, une idée fixe ; je n’ai rien vu de cela dans son esprit ; j’ai besoin d’être renseigné pour savoir quelle est la règle de conduite que j’aurai à adopter dans ce conflit qui existe entre le père et la fille, etc. Veuillez m’honorer d’une réponse. »

Je crus devoir répondre que Mademoiselle X… avait été sérieusement malade, que son père avait agi sagement en la faisant traiter dans une maison d’aliénés, et que je craignais bien que cette instance en justice ne fût un symptôme de rechute.

En réponse à cette déclaration, je reçus le 13 juillet une assignation pour comparaître en conciliation devant M. le juge de paix, à l’effet de m’entendre sur une demande en dommages-intérêts de 25,000 francs formulée par Mademoiselle X… contre son père et moi, mais écrite en entier de la main de son conseiller.

Je fis défaut.

Une nouvelle assignation me fut adressée pour comparaître, cette fois, devant MM. les juges composant le tribunal civil de X… L’affaire fut appelée, mais M. le Procureur impérial demanda, en ce qui me concernait, le rejet de la demande de Mademoiselle X… jusqu’à ce qu’elle eût rapporté une autorisation du Conseil d’État, des poursuites ne pouvant être dirigées contre un fonctionnaire public sans cette autorisation.

Mademoiselle X… abandonnant alors les poursuites contre moi, poursuivit son père seul, qui lui répondit par une demande en nomination d’un conseil judiciaire, comme dissipant sa fortune en procès inutiles.

Le tribunal de X… accueillit cette demande ; un appel de ce jugement a été soutenu à Poitiers par un des avocats les plus distingués de Paris, lancé on ne sait comment dans cette affaire, mais la cour a confirmé la sentence des premiers juges.

Aujourd’hui Mademoiselle X… vit en liberté, privée de l’administration de ses biens.