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roulait à terre comme une furie. Mais bientôt une lueur d’espérance lui venant, elle se releva, et passant dans un petit salon où je la suivis, elle me dit : « que craignez-vous, donnez-moi au moins les mains ». Si je l’eusse fait, j’étais perdu : un large couteau de cuisine était caché sous la housse du canapé sur lequel elle était assise.

Confiant alors ces dames à la garde des personnes qui m’avaient accompagné, je rejoignis le père dans un appartement voisin, et il fut décidé qu’elles seraient provisoirement déposées à l’asile de X…; M. X… fils fut chargé de remplir toutes les obligations de la loi.

On donna l’ordre d’atteler. Le départ fut moins laborieux que je ne le craignais.

Le long de la route elles furent assez calmes ; Mademoiselle X… se plaignait bien pourtant à plusieurs reprises qu’on la violait, et demandait à sa sœur si elle n’en ressentait pas autant. Arrivées à l’asile assez tard dans la soirée, on leur enleva la camisole, et elles furent installées pour la nuit.

Mademoiselle X… fut en proie pendant quelques semaines à une excitation extrême. Des hallucinations sans nombre venaient à chaque instant l’éveiller et, si l’on cherchait à la convaincre de ses erreurs, elle avait aussitôt recours à l’électricité pour tout expliquer.

Que de fois n’a-t-elle pas entendu à travers les murailles des voix ennemies qui conspiraient contre son honneur ? Son père, son frère ne lui laissaient pas un instant de repos. M. M… fils, son cousin, rôdait autour des murs pour l’enlever ; je la menaçais en imitant la voix de la b…, etc.

La supérieure de l’établissement faisait partie d’une confrérie qui lui voulait du mal ; elle avait introduit dans la maison un frère de Saint-Laurent qui était venu la violer, et elle offrait d’en montrer les traces sur sa chemise. On venait, jusque sous ses fenêtres, tirer des coups de fusil, les murs et le lit sur lequel elle couchait étaient chargés d’électricité.

Les aliments qu’on lui faisait prendre contenaient des substances capables de lui nuire. Tous les soirs, avant de se coucher, elle regardait dans les tiroirs des tables, des commodes, pour s’assurer si quelqu’un n’y était pas caché.

Son désespoir était si grand qu’elle menaçait de se sui-