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l’avoir entouré de soins, parce qu’il ressemblait disait-elle à l’un des enfants de sa sœur qu’elles avaient eu le malheur de perdre, le prit tout à coup en aversion : c’était un émissaire de son frère, un polisson qui voulait les violer ; il les suivait pour les compromettre ; elle le voyait et le rencontrait partout ; une fois même, elle poussa l’extravagance jusqu’à faire culbuter une barge de fagot croyant le trouver caché dessous.

Mademoiselle X… ne marchait jamais sans armes ; les plus grandes précautions étaient prises par elle lorsqu’elle se renfermait dans sa maison, et dans une construction qu’elle devait faire, elle ne voulait employer que des serrures de sûreté, non pour se protéger contre les voleurs, car elle ne craignait pas pour sa bourse, mais contre des ennemis imaginaires qui en voulaient à son honneur et à celui de sa sœur.

Son frère, versé dans la magie, ne lui laissait pas, disait-elle, un instant de repos ; son influence occulte s’étendait jusque sur les animaux qu’elle affectionnait. Tantôt il faisait trembler le plancher sur lequel elle marchait ou la faisait danser malgré elle ; tantôt il lui faisait éprouver des sensations étranges qui toutes se rapportaient aux organes génitaux ; d’autres fois, il lui faisait changer de visage, au point que sa sœur avait de la peine à la reconnaître. Son pauvre chat lui-même se ressentait de ses maléfices ; que de fois, après avoir fixé longtemps le même endroit, ne s’est-il pas rapproché d’elle en miaulant, etc. !

Ce délire qui durait déjà depuis plusieurs années, devint assez intense en 1856 pour que M. X… dût songer à prendre des mesures pour sa sûreté personnelle et celle de ceux qui l’environnaient.

Le 18 février, il écrivait : « Monsieur, je suis le plus malheureux des pères ; mes filles sont dans un état d’aliénation extrême. Venez constater leur état, je vous prie, et me donner des conseils. »

Le lendemain 19, M. X… fils vint me prendre, et nous nous rendîmes à X… où j’eus avec le père une entrevue chez l’un de ses neveux.

On me raconta que depuis dix nuits, ces dames ne s’étaient pas couchées. Renfermée avec sa sœur, Mademoiselle X… ne voulait pas lui permettre de dormir, et si la malheureuse succombant à la