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Au printemps de 1876, après quatre années de travail fructueux et non interrompu, l’ouvrage manque de nouveau, soit par le fait de la morte-saison, soit par suite d’un trouble indécis de l’intelligence. Les deux sœurs se décident, sous la pression de D…, à provoquer une seconde arrestation pour échapper à la misère. C’est elles-mêmes qui vont se dénoncer au commissaire de police, s’accusant d’avoir volé deux chandeliers de cuivre appartenant à leur logeuse. On fait une perquisition sommaire, et, avant même qu’elle soit terminée, elles soulèvent leur matelas et montrent dans leur paillasse les chandeliers qu’elles prétendaient avoir vendu.

Placées administrativement comme aliénées le 25 mars 1876, elles quittent l’asile le 5 octobre de la même année.

Cette fois, la période laborieuse est plus courte. On leur refuse de l’ouvrage, parce qu’elles ne rapportent pas en temps utile celui qu’on leur a confié. La maîtresse du garni ne consent à continuer la location que si elles payent d’avance. L’épargne minime s’use vite, et, réduites aux derniers extrêmes, elles n’ont plus que six sous en leur possession. D… est reprise des impulsions qui l’ont déjà entraînée et qui succèdent toujours à un malaise mental incompatible avec un travail assidu. Elle emmène sa sœur, et, après d’assez longues hésitations, non pas sur la conduite qu’elles vont tenir, mais sur le procédé dont elles feront choix, elles dérobent chacune une paire de mitaines sans valeur chez un marchand de nouveautés. On les arrête, et elles sont écrouées à Saint-Lazare sous prévention de vol.

Après deux mois, elles sont remises en liberté, assez calmes, rassurées par le pécule qu’elles ont amassé en prison et qui monte à une trentaine de francs, mais encore sous le coup d’une notable confusion d’esprit.

Rien n’est plus facile, en interrogeant séparément les deux malades, que de discerner celle qui a été active de celle qui s’est bornée à un rôle passif. L’aînée, L…, n’a qu’un souvenir confus du passé ; elle avoue avoir été placée à la Salpêtrière, mais elle ne sait ni quand, ni pendant quelle période de temps. Sa réponse monotone à toutes les demandes est : « Il faudrait donc se laisser mourir de faim ? »

À la prison de Saint-Lazare, on la mande trois fois chez le juge