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en vertu desquelles naît et se développe le délire à deux qu’on peut le considérer comme un type.

Observation IV. — La nommée X…, soixante-six ans, exerce la profession de sage-femme dans une ville de province. Son intelligence s’est abaissée avant l’âge et sa clientèle a baissé parallèlement. Les ressources du ménage suffisaient à peine aux besoins de la femme X… et de sa fille qui vit à ses dépens ; le mari a disparu depuis longtemps.

Un dernier coup vient achever la misère ; le petit emploi de sage-femme attachée au bureau de bienfaisance, ou à une Société charitable, est enlevé à la malade. Pendant cinq ans, elle vit de ses économies et en resserrant encore les liens étroits qui la rattachent à sa fille.

Celle-ci a vingt-huit ans, elle est de stature moyenne, assez vive d’esprit, mais au fond d’une intelligence limitée. Elle a fait quelques études et a même obtenu le diplôme d’institutrice du dernier degré, sans réussir à utiliser ses quelques connaissances. À diverses reprises, elle a dû se placer en France ou à l’étranger ; par des raisons qu’elle énonce assez confusément aucune de ces tentatives n’a abouti.

La pauvreté ainsi croissante arrive à son comble. Les deux femmes sont expulsées de leur humble logis, sans ressources, plus incommodes à ce qu’il paraît qu’intéressantes aux yeux de leurs rares relations ; on fait en leur faveur une petite collecte, à laquelle s’associe la municipalité locale, et qui monte à 40 francs. Avec le pécule, on les envoie à Paris où, dit-on, elles ont toutes chances de gagner leur vie.

Elles descendent, absolument étrangères dans la ville, dans un petit hôtel où elles sont accueillies avec bienveillance.

Pour que ces deux provinciales aient consenti à un tel voyage, pour qu’on ait songé à le leur proposer, il fallait que cet absurde déplacement répondit à quelque chose de plus que la banale confiance dans l’hospitalité d’une grande ville.

La fille X… a, en effet, une visée à laquelle elle a associé sa mère. Il existe quelque part une succession Dubois, ou comme dit la mère (traduisant dans son langage les affirmations de sa fille), un avoir qui vient des Dubois. De cet héritage, on ignore la provenance et le