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consent pas à s’avouer vaincu, combien de fois ne discernons-nous pas la pointe d’amour-propre ou de respect humain qui s’est mise en travers.

L’aliéné qui se résigne à déclarer qu’il renonce à ses pensées délirantes commet un mensonge qui lui coûte. L’individu dominé par des opinions absurdes, et qui affirme persister obstinément, commet le plus souvent un mensonge, mais en sens inverse. Le contraste suffit pour établir entre les deux la ligne de démarcation la plus infranchissable ; l’un est fou, au sens social et médical du mot, l’autre ne l’est pas.

Pour le faux malade, l’adhésion de l’entourage est un auxiliaire considérable. Comme il a accepté les idées qu’on lui suggérait, on admet celles qu’il énonce avec quelques réserves, et il puise dans cet appui tacite ou explicite de nouvelles forces. Mis en face d’une contradiction persistante, dominé par la volonté d’un interlocuteur qui fait presque fonction de juge, il perd peu à peu de son assurance. Le malade vrai n’est plus là pour le soutenir, et si on prend soin d’atténuer ses contradictions, au lieu de les faire ressortir, il éprouve une façon de soulagement à être délivré de ces conceptions parasitaires.

Nous avons indiqué les principaux points sur lesquels doit porter l’étude des malades délirant à deux. Qu’on n’oublie pas qu’il s’agit d’une des formes de l’aliénation, intermédiaires entre la raison et la folie confirmée, et qui, exemptes de troubles physiques caractérisés, ne se prêtent qu’à une analyse psychologique. Les observations qu’on va lire, et que nous avons choisies en vue d’indiquer des divers types, empruntent à la nature de la maladie un aspect tout particulier, et ressemblent plus à des études de mœurs qu’à des observations médicales. Il n’en saurait être autrement quand la recherche implique un double examen : celui du malade et celui de l’individu sain entrant dans le courant des divagations. Les aventures réelles de la vie, l’organisation du milieu où ces événements s’accomplissent jouent un grand rôle dans l’évolution des délires atténués et le récit composé de données vraies, de croyances intéressées, d’inventions délirantes, d’efforts sincères mis au service des divagations, ne s’accommode pas aux formules scientifiques.

Le premier fait que nous rapportons résume si bien les conditions