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milieu a été transformé, qu’on acquiert une certitude. La donnée psychologique la plus curieuse n’est pas celle que nous fournit l’influence de l’aliéné sur l’individu sain d’esprit : c’est au contraire l’action qu’exerce le confident raisonnable sur l’aliéné. L’expérience vraie qui représente l’aliéné comme fermé à toute persuasion, aussi incapable d’être détourné par une objection que d’accepter une addition à ses idées favorites, ne se dément pas.

En étudiant le travail insidieux qui s’exécute dans l’esprit du malade, on voit bien vite qu’il n’a pas cédé un pouce de son terrain. Ses concessions apparentes se sont bornées à taire provisoirement, ou à laisser dans l’ombre, quelques-unes de ses idées pathologiques. Les aliénés en voie de guérison, ou dans la première période encore mal assurée de la maladie, se prêtent volontiers à de semblables réticences ; et c’est là une des difficultés bien connues de l’examen.

Qu’on prenne à part le malade primitif et qu’on se donne la peine de l’étudier attentivement, on finit par rompre la glace et par retrouver au-dessous le type de la ténacité des conceptions délirantes telles qu’on les observe chez les malades isolés. Cette enquête incisive est souvent difficile, mais il est rare qu’à force de patience on n’y réussisse pas.

Si on isole les deux malades, au lieu de les confronter côte à côte, parlant presque toujours ensemble, répétant tout au moins les mêmes idées avec les mêmes phrases, s’entendant sans s’aider du regard, à la façon des enfants qui récitent à l’unisson une fable apprise par cœur, dans quelle mesure parvient-on à détruire le parallélisme ?

C’est par cette étude comparative qu’on peut estimer le degré de pénétration de la maladie acquise, et qu’on se convainc aisément que le nom qui convient le mieux à la situation respective des deux individus n’est pas celui de contagion. Le malade réel est resté le malade ; l’aliéné par reflet n’a pas réussi à dépasser les limites de l’absurde. Or, l’absurdité, si loin qu’elle soit conduite, n’a de commun avec la folie que les grossières apparences. Elle est mobile, capricieuse, compatible avec certaines puissances de raison, et n’obéit pas aux lois qui s’imposent à toute aliénation. À force de persévérance, on ébranle les croyances erronées qui semblaient les plus fermement assises ; l’erreur a des moments d’indécision, et si on ne