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actes qu’elle seule n’eut peut-être pas risqués. Encore au début de la folie, la femme M… s’inquiète des conséquences qu’aurait pour son beau-père une cohabitation dangereuse ; elle se préoccupe avec une anxiété plus active du sort réservé à sa fille et on a vu comment elle avait tenté de la soustraire aux persécutions. Or, dans ces folies à type psychique, être sollicité à agir c’est accélérer le progrès des conceptions délirantes.

II

Les choses ne se passent pas ainsi lorsque la transmission a lieu inversement d’un jeune sujet à un individu sénile, ou seulement plus âgé et faible d’intelligence. L’adulte reflète plus passivement ; il est aussi convaincu en apparence, aussi affirmatif, mais il n’exagère ni ne développe les conceptions délirantes, faute d’un effort d’imagination qui lui coûterait. On pourrait dire qu’il s’agit moins d’une persuasion réelle que d’un assentiment qui s’énonce par des phrases interjectives : Ah ! c’est bien vrai ; il n’y a pas à en douter ; elle ne ment pas ; etc. Lorsque l’association délirante s’établit entre des adultes, l’état mental du réceptif est plus complexe. L’enfant obéissait aux instincts de son âge, tandis que l’adulte a remplacé les impulsions instinctives par des habitudes, des calculs, des combinaisons dont il entrevoit le fort et le faible. Il s’installe avocat de sa propre cause et ne se livre que dans la mesure qui lui semble s’accorder avec ses intérêts. L’enfant ment quand même et l’obstination de son mensonge finit par conduire à la vérité. L’adulte trompe à son heure et sait taire les raisons intimes qui le font agir.

Néanmoins, et comme il s’agit d’intelligences débilitées, moitié par intimidation, moitié par persuasion, on arrive à élaguer le faux et à découvrir la réalité cachée sous d’assez vulgaires artifices. On s’aperçoit alors que les adultes et les enfants se rapprochent par de saisissantes analogies et c’est pourquoi nous avons insisté sur les délires infantiles réflexes.

Il existe pourtant des différences qui tiennent moins aux procédés intellectuels qu’à l’acquis. Tout individu, mûri par l’expérience de la vie, si faible qu’on le suppose, garde les notions des misères qu’il a souffertes ou dont il a entendu parler ; il a parallèlement l’appétit